Échanges divers sur la censure régnant
à la bibliothèque Pierre Mendès-France (PMF) - Paris
et dans les autres les bibliothèques universitaires, 16-31 janvier 2015
Annie Lacroix-Riz, professeur émérite d’histoire contemporaine, université Paris 7
Cher amis,
Vous trouverez ci-dessous des échanges explicites sur la gravité de la censure et de l’autocensure qui sévissent, de plus en plus rigoureusement, dans les universités et notamment dans les sciences sociales, situation que reflète la « politique d’achat » des bibliothèques universitaires.
J’en reproduis tous les éléments, y compris ceux qui ont déjà été diffusés dans le premier message transmis, le 20 janvier 2015.
J’observe que si M. Molinier, bibliothécaire à la bibliothèque PMF de l’université Paris 1, n’est pas l’unique responsable de cette censure, il l’assume cependant pleinement, avec une arrogance non dépourvue de violence, surtout quand il ne connaît pas ses interlocuteurs. Le démontrent formellement 1° sa réponse négligente à un lecteur pris pour un étudiant, Godefroy Clair, et 2° plus brutalement encore, sa lettre à Pierre Moret, un correspondant qui a protesté contre les pratiques que j’avais mises en cause auprès du directeur de la bibliothèque universitaire PMF de Paris 1, Daniel Keller. Inutile de préciser que ces deux correspondants m’ont donné la liberté de mentionner leur nom.
Vous noterez également à quel point M. Molinier brocarde, dans son courriel à M. Moret (20 janvier 2015 11:36:37), la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine de Nanterre bibliothèque (de 3e cycle) (et par ailleurs centre d’archives) vers laquelle je dirigeais systématiquement les étudiants et qui se caractérise par son souci de pluralisme et de qualité académique internationale : elle est ridiculisée pour avoir eu l’audace de détenir seule l’ouvrage, interdit partout ailleurs, et « qui a d'ailleurs très probablement été acquis au titre du dépôt légal et non par une procédure d'acquisition choisie. »
Les termes a priori et très probablement sont devenus des critères de raisonnement et de choix de la production académique offerte aux étudiants dans les établissements universitaires.
M. Keller, directement interpellé en tant que directeur de la bibliothèque PMF de Paris 1 par divers intervenants de cette affaire, a jusqu’ici (22 janvier 2015) chargé son subordonné Guillaume Molinier de répondre à toute demande ou protestation sans accuser réception d’aucun message.
Au cas où certains penseraient, comme m’en accuse Guillaume Molinier dans le message de plainte amère qu’il m’a envoyé le mardi 20 janvier 2015 15:00, que les puissants réseaux bolcheviques œuvrant en France, et notamment les miens, martyrisent des fonctionnaires scrupuleux remplissant leurs missions en toute neutralité et scientificité, je rappelle la réalité de la situation. Censure absolue contre les « dissidents », d’un côté et choix idéologiques affirmés, monocolores et unilatéraux, de l’autre, règnent de pair.
L’ouvrage sur Staline et l’URSS de 1939 à 1953 d’un historien reconnu « de référence » par une large communauté académique, Geoffrey Roberts, est exclu de presque toutes les bibliothèques universitaires en France (sauf sept, pour sa seule version originale en anglais) et de tout accès, pour sa version traduite parue en septembre 2014 chez Delga, petit éditeur indépendant. Les guerres de Staline a été exclu « a priori » à la bibliothèque PMF de Paris 1. Les « titres » des éditions Delga (dont M. Molinier a recensé quatorze, après coup), ont été présentés dans un premier temps à Godefroy Clair comme également exclus « a priori ». Cependant que dans la même bibliothèque, les productions non-scientifiques et strictement idéologiques consacrées à l’URSS en général et à Staline en particulier sont acquises de façon systématique.
La censure, et il convient d’y insister pour prévenir un éventuel argument de « procès stalinien », mis en avant depuis des lustres à la moindre critique d’un comportement inacceptable, ne vient pas des « réseaux » présumés. Elle ne provient que de l’institution académique qui a abdiqué des règles anciennes de fonctionnement reposant sur un certain « pluralisme » et surtout impliquant, en histoire, la diffusion d’ouvrages conformes aux normes méthodologiques universelles régissant cette discipline : ouvrages érudits rédigés sur la base de sources d’archives ou, pour les ouvrages de vulgarisation, synthèses réalisées à partir desdits travaux érudits.
À titre personnel, je tiens à rappeler, ayant fait mes études pour partie à l’université Paris 1 jusques et y compris ma thèse d’État soutenue en 1981, sous la direction de Jean Bouvier, que ladite université n’était pas un repaire de marxistes; que les doctorants marxistes ou marxisants représentaient des effectifs très modestes en histoire contemporaine (élèves, en particulier, du grand Pierre Vilar puis de Jean Bouvier); et que la majorité, écrasante, des non-marxistes, admettait que les minoritaires disposassent d’un minimum de droits académiques, fussent-ils plus limités que les leurs. Et ceci même si les carrières des non-marxistes étaient en général beaucoup plus brillantes et rapides que celles des universitaires qui s’obstinaient à se réclamer de la conception de l’histoire de Marx et mettaient en cause le capitalisme ou doutaient que celui-ci fût le mode de production définitif.
J’affirme que les règles qui prévalent dans l’approvisionnement de la bibliothèque de 1er cycle (PMF) de l’université Paris sont strictement antagoniques avec celles qui régnaient dans cet établissement avant que la réaction académique n’y triomphât, comme ailleurs, triomphe précisément intervenu depuis le début des années 1980 (voir mon ouvrage L’histoire contemporaine toujours sous influence, Paris, Delga-Le temps des cerises, 2012).
J’observe enfin que la culture de l’impunité du plus fort idéologique permet à des fonctionnaires théoriquement au service du public universitaire de répondre avec mépris à des interlocuteurs courtois ou de ne pas répondre du tout, ceci en violation de toutes les règles de simple courtoisie et de savoir vivre ensemble (c’est à dessein que je néglige le tiret entre les deux infinitifs). L’affaire qui nous occupe est aussi courante que déontologiquement scandaleuse. Elle présente la seule originalité de pouvoir être rendue publique grâce aux traces écrites, rarissimes, d’une désinvolture quasi générale. Des milliers d’actes de censure ne peuvent « exploser » qu’une fois tous les vingt ans parce qu’un serviteur du public revendique par écrit les normes qu’il applique en permanence. Bref, à cause de la « maladresse » d’un censeur rendu imprudent par la toute-puissance habituelle exercée sans risque sur les minoritaires ou les timides. Je tiens à cet égard à remercier particulièrement mes deux correspondants, Godefroy Clair et Pierre Moret, d’avoir signalé ce qui ne paraît presque jamais au jour.
Il serait sain que les bibliothécaires (il en est sans doute dans ma liste de diffusion) choqués par des pratiques de censure et autocensure qui, habituellement, échappent à l’écrit, informent le public sur leur réalité. Il est de notre devoir commun de dénoncer et de combattre cette censure, particulièrement à l’heure où se profile un « Patriot Act » français annoncé sous couvert de lutte contre le terrorisme, dans une atmosphère qui rappelle les lois scélérates du ministre de l’intérieur Dupuy adoptées à une forte majorité par la Chambre des Députés à la faveur des « attentats anarchistes » de 1893-1894.
Ces projets politiques, ouvertement lancés peu après la tapageuse commémoration récupératrice de Jean Jaurès (de 2014) – dans le style « Je suis Jaurès » ‑, attestent l’hypocrisie des prétendus admirateurs de ce dernier. Car le leader socialiste assassiné en 1914 avait vivement dénoncé à la fois la manipulation policière des auteurs d’attentats (question sur laquelle nous ne pouvons encore nous prononcer) et l’exploitation éhontée de ces circonstances (question sur laquelle le doute n’est pas permis).
On observera d’ailleurs que le tapage récent sur les droits illimités à la « liberté d’expression » a été vite étouffé par la conjoncture. Merci, donc, d’en rappeler l’indispensable exercice en diffusant et en faisant largement diffuser le présent document.
Amitiés à tous,
Annie Lacroix-Riz
22 janvier 2015
L’ensemble des documents qui suivent ont été transmis aux abonnés de la liste de diffusion d’Annie Lacroix-Riz. Pour être informé des nouveautés de ce site et/ou sur cette affaire vous pouvez vous incrire ICI
ÉLÉMENTS du DOSSIER (Accès direct):
Mail du 16/01/2015
de G. Clair à Annie Lacroix-Riz
Bonjour
J'ai proposé l'ouvrage les Guerres de Staline de Jeffrey Roberts (DELGA) à la bibliothèque PMF de Paris 1. Voici la réponse que j'ai obtenue :
« L'ouvrage proposé, bien qu'écrit par un universitaire ne nous semble pas a priori présenter la neutralité historique et scientifique nécessaire à son éventuelle intégration dans nos rayons. Les autres titres publiés par l'éditeur non plus. » (a priori a été souligné par l'auteur du message). [Annie Lacroix-Riz, voir photographie jointe de l’échange manuscrit PMF]
Cordialement,
Godefroy Clair
ingénieur d'étude à Paris 8 Saint-Denis Vincennes
Copie du document manuscrit original :
De Annie Lacroix-Riz à G. Clair (et autres correspondants)
Monsieur,
Je vous remercie vivement de cette information. Pourriez-vous m’indiquer les coordonnées de la personne que vous avez contactée à ce sujet? Je me propose naturellement d’intervenir auprès d’elle.
J’alerte immédiatement Aymeric Monville, mon éditeur, Dominique Mazuet, le responsable de la librairie Tropiques où l’ouvrage sera présenté mardi prochain 20 janvier, et le sociologue Christian de Montlibert, un des animateurs des États Généraux des sciences sociales critiques du samedi 17 janvier (http://www.medelu.org/Etats-generaux-des-sciences), auxquels j’avais prévu d’assister . Tous trois figurent en copie du présent courriel.
Nous voici en pleine démonstration de la "liberté d’expression" dont il est fait si grand cas officiel depuis le 7 janvier.
Bien cordialement,
Annie Lacroix-Riz
De Annie Lacroix-Riz à Mr Daniel Keller ( Directeur le Bibliothèque PMF - Paris 1)
Monsieur,
Je vous remercie de prendre connaissance du courrier ci-joint [reproduit ci-dessous] et de sa pièce jointe [photographie échange « G.C.-G.M. »].
Bien cordialement,
Annie Lacroix-Riz, Professeur émérite d’histoire contemporaine, Université Paris 7-Denis Diderot
le 19 janvier 2015
Annie LACROIX-RIZ
Professeur émérite d’histoire contemporaine
Université Paris 7-Denis Diderot
Adresse personnelle : ..........
à
M. Daniel KELLER
Directeur de la Bibliothèque PMF de Paris 1
90, rue de Tolbiac
75013 PARIS
Monsieur,
Un de mes correspondants, M. Godefroy Clair, ingénieur d’étude à Paris 8 Saint-Denis Vincennes, m’a informée vendredi 15 janvier du refus a priori par la bibliothèque universitaire que vous dirigez de mettre à la disposition des étudiants de Premier cycle de Paris 1
1° la traduction de l’ouvrage Stalin’s Wars, de Geoffrey Roberts, Les Guerres de Staline, parue en 2014 aux éditions Delga.
2° tout « titre » paru chez le même éditeur.
Double refus signifié par la réponse (tardive) écrite signée « G.M. » adressée à « G.C. » (M. Clair), que vous trouverez dans la pièce électronique ci-jointe.
« L’ouvrage proposé, bien qu’écrit par un universitaire ne nous semble pas a priori présenter la neutralité historique et scientifique nécessaire à son éventuelle intégration dans nos rayons. Les autres titres publiés par l'éditeur non plus. »
Concernant le premier point, je note que mon collègue Geoffrey Roberts, professeur à l’université de Cork, écarté a priori des « rayons » de votre établissement, est un collègue dont la spécialité n’est pas contestée et que l’ouvrage en question a été en 2006 publié aux presses universitaires de Yale. http://en.wikipedia.org/wiki/Geoffrey_Roberts établit la reconnaissance académique du professeur Roberts.
Concernant le second point, j’observe que « G.M. » semble habilité à écarter, également a priori, tous les « titres » de l’éditeur Delga.
Je vous remercie de me confirmer que « G.M. » applique la politique d’achats que vous et votre équipe avez fixée et de me préciser selon quels critères elle l’a été.
Dans l’attente de votre réponse, je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes pensées les meilleures.
Annie LACROIX-RIZ
A la liste de diffusion d’Annie Lacroix-Riz
De la censure en bibliothèque universitaire à l’heure du culte public de la « liberté d’expression »
Chers amis,
La censure se manifeste en tous lieux, y compris dans les bibliothèques universitaires. En voici un tout récent exemple, dont un correspondant, M. Godefroy Clair, ingénieur d'étude à Paris 8 Saint-Denis Vincennes, m’a informée vendredi 15 janvier.
« Bonjour,
J'ai proposé l'ouvrage les Guerres de Staline de Geoffrey Roberts (DELGA) à la bibliothèque PMF de Paris 1. Voici la réponse que j'ai obtenue : L'ouvrage proposé, bien qu'écrit par un universitaire ne nous semble pas a priori présenter la neutralité historique et scientifique nécessaire à son éventuelle intégration dans nos rayons. Les autres titres publiés par l'éditeur non plus.
Cordialement, Godefroy Clair »
Dans le cadre de l’échange qui a suivi, M. Clair m’a, le 17 janvier, fourni la photographie de l’échange écrit relatif à cette demande d’achat et au refus consécutif de « G.M. », signifié d’ailleurs au bout d’un délai fort long ; et il m’a précisé :
« j'ai jeté un coup d'œil au catalogue de PMF pour regarder les ouvrages consacrés à l'URSS.
Je savais déjà qu'au niveau de la "neutralité scientifique et historique", on était loin du compte (exemple frappant : dans les rayons sur la Russie/URSS, l'auteur le plus représenté est... Carrère d'Encausse !) Mais j'ai regardé rapidement le catalogue en ligne de PMF et j'ai trouvé l'échantillon suivant :
Carrère d'Encausse : environ 25 ouvrages
Stéphane Courtois : une dizaine d'ouvrages (dont évidement le livre noir du communisme...)
Robert Conquest : aucun ouvrage à PMF mais 6 dans l'ensemble du catalogue de P1.
Jean-Jacques Marie : 7 ou 8 livres, etc. […]
PS : pour l'anecdote, je me suis aussi aperçu que dans le catalogue général de Paris 1, il y avait... Stalin's War de Geoffrey Roberts (bibli. Lavisse) ! Ce qui confirme que c'est avant tout un ostracisme vis-à-vis de DELGA (s'il était nécessaire d'avoir une confirmation...) ».
M. Clair n’a pas recensé Nicolas Werth, mais je pense qu’il ne manque pas à l’appel.
Notez par ailleurs que « La bibliothèque Lavisse est réservée aux étudiants inscrits à la préparation aux concours de l'enseignement d'histoire et de géographie des universités Paris 1, Paris IV et Paris 7 » http://www.univ-paris1.fr/bibliotheque/bibliotheque-lavisse/accueil/ , c’est à dire à une petite minorité d’étudiants, à laquelle l’accès à la traduction de Stalin’s wars serait également indispensable : les étudiants français, y compris ceux de 2e cycle qui préparent les concours, ne lisent que rarement les ouvrages en langue étrangère.
C’est une réalité incontestable, dont sont informés tous les universitaires : elle a même servi de prétexte aux « commissaires scientifiques » de l’exposition des Archives nationales sur la Collaboration 1940-1945, Thomas Fontaine et Denis Peschanski, pour éliminer de la bibliographie du livre portant le même titre tout ouvrage en langue étrangère : « nous n’avons cité que des livres en français afin de permettre à un large public de compléter tel ou tel aspect de notre ouvrage » (de même, d’ailleurs, qu’ils ont proscrit, mais sans fournir d’explication, les ouvrages en français antagoniques avec leur problématique et la limitation de leurs sources d’archives pourtant consultables).
L’exclusion a priori par la bibliothèque (Pierre Mendès France, PMF) d’un ouvrage scientifique, par son usage et son traitement de sources originales, relatif à l’URSS signifie que les étudiants de 1er cycle de Paris 1, autrement dit l’immense majorité des étudiants, presque tous ceux qui ne passent pas les concours de recrutement, peuvent (doivent) être « librement » abreuvés de littérature antisoviétique, dont le caractère strictement historique n’est pas établi (non-recours systématique aux sources originales, appui systématique sur de la seconde main), mais qu’ils n’ont pas droit de consulter la traduction d’un ouvrage publié aux presses universitaires de Yale, un des fleurons de la « Ligue du Lierre » (Ivy League), et considéré dans le monde académique anglophone comme une référence indiscutable.
Et tout ceci, non pas parce que le censeur de la bibliothèque PMF de Paris 1 a pris la peine de lire l’ouvrage concerné ou les autres ouvrages et de s’expliquer sur les motifs de sa décision, mais parce qu’il rejette a priori tous les ouvrages publiés par l’éditeur Delga : un petit éditeur indépendant, qui a l’audace de s’intéresser aux travaux des intellectuels marxistes, marxisants ou progressistes ou non maladivement antisoviétiques, et d’en publier, voit ses ouvrages a priori exclus des rayonnages de la bibliothèque PMF. Et pourquoi donc a priori? Parce que les auteurs qu’il publie n’ont pas l’agrément de « G.M. » : « les autres titres publiés non plus » ne sauraient figurer sur lesdits « rayons », c’est à dire les auteurs pestiférés, dont vous trouverez la liste sur le site de l’éditeur : https://www.google.fr/search?q=%C3%A9ditions+delga&ie=utf-8&oe=utf-8&gws_rd=cr&ei=DxS8VO_xA8uwUenMgKAL, rubrique auteurs.
Une des plus grandes bibliothèques universitaires de France complète désormais la censure éditoriale stricto sensu, tentaculaire, qui empêche presque systématiquement le public français d’avoir accès aux productions universitaires étrangères de qualité. Je rappelle pour mémoire la mésaventure survenue à la fin des années 1990 à l’ouvrage du très célèbre et très reconnu Eric Hobsbawm, L’âge des extrêmes (voir mon ouvrage L’histoire contemporaine toujours sous influence, p. 36-37).
Sur mon collègue Roberts, dont j’ai apprécié le sérieux de l’ouvrage, vu l’ampleur des sources utilisées et l’honnêteté de leur traitement, et que l’éditeur Delga a eu le courage de faire traduire et de publier, vous trouverez les informations nécessaires complémentaires
d’une part sur mon site, http://www.historiographie.info/stalinwar.pdf, (concernant précisément, en 2007, ce livre alors non traduit),
et, d’autre part, depuis le 18 janvier, sur le site du PRCF : http://www.initiative-communiste.fr/articles/culture-debats/liberte-dexpression-paris-1-censure-un-ouvrage-pour-des-motifs-politiques/
Je vais naturellement alerter des journalistes, des collègues et organismes que je crois sensibles à de telles pratiques, tel le Comité de vigilance face aux usages publics de l’histoire; et adresser une protestation écrite au responsable de la bibliothèque PMF de Paris 1, Daniel Keller (daniel.keller@univ-paris1.fr). Cette nouvelle censure avérée contre la connaissance historique, et visant une question précisément interdite, en France, à la scientificité pose un problème grave.
Particulièrement grave même, alors que le Front national, qui a conquis plusieurs municipalités, commence à vider les rayonnages des bibliothèques publiques; alors que, depuis les événements du 7 janvier 2015, nombre de forces politiques, pas seulement à droite, en appellent à un « Patriot Act », lequel a permis, aux États-Unis, entre autres, et pour la énième fois, notamment depuis la « Guerre froide » de l’après-1945, de vider les bibliothèques d’ouvrages jugés subversifs; alors que, le 13 janvier 2015, une journaliste, Nathalie Saint Cricq, a déclaré, sur le service public : « il ne faut pas faire preuve d’angélisme » et appelé à la délation sous couvert de « repérer et traiter […] ceux qui ne sont pas Charlie » (http://www.les-crises.fr/bien-joue-a-tous-episode-4-sant-cricq/).
Je vous remercie de diffuser le présent message aussi largement que possible
Bien cordialement,
Annie Lacroix-Riz
Je vous informerai bientôt de la censure qu’attestent les préparatifs et le contenu de l’exposition des Archives nationales sur la Collaboration 1940-1945 et du livre correspondant.
De Mr G. Molinier à Annie Lacroix-Riz
( Les passages notés de couleur rouge sont soulignés par Mme Lacroix-Riz)
Objet : RE: censure sur Les guerres de Staline / Geoffrey Roberts
Madame,
J'ai bien pris connaissance de votre courrier.
Je ne suis pas historien de métier, aussi n'ai-je pas les armes intellectuelles pour débattre avec vous des questions que vous soulevez. Je n'ai pas non plus votre notoriété, ni votre entregent, et je n'ai pas l'honneur de connaître toutes les personnalités que vous citez, ni de faire partie d'aucun des réseaux intellectuels et syndicaux dont vous êtes membre et que vous semblez avoir alertés, au vu du nombre de messages que je reçois depuis hier. Je suis simplement un conservateur de bibliothèque qui essaie de faire son travail, qui est, comme tout un chacun, susceptible de faire des erreurs, ce que je n'ai pas manqué d'admettre. Enfin, je ne suis pas préparé, professionnellement ou psychologiquement, à avoir autant d'ennuis. Je ne suis pas préparé à une telle violence, à une telle hostilité, à une telle brutalité. Je ne suis pas préparé à défendre seul l'indépendance des bibliothèques universitaires dans leurs choix d'acquisitions face à des groupes de pression tels que celui que vous semblez avoir le pouvoir de mettre en branle.
En conséquence, cette affaire prenant des proportions absolument déraisonnables en regard de l'enjeu, je vous informe, avec une certaine tristesse je dois dire, que vous avez d'ores et déjà obtenu gain de cause : sous réserve d'avoir l'accord de ma supérieure hiérarchique Mme Magnaudet, je vais commander l'ouvrage en question dès que cela sera possible. La commande partira normalement jeudi 29 janvier, et l'ouvrage sera reçu et équipé sous les 15 jours qui suivront.
Je regrette par ailleurs que vous passiez sous silence le fait que, dès le début de ma réponse d'hier, j'ai admis de bonne foi m'être trompé au sujet des éditions Delga et de la validité scientifique de l'ouvrage de monsieur Roberts. Au vu des articles dont on m'envoie les liens, ce fait est totalement occulté pour laisser la place à des accusations de censure d'autant plus écrasantes qu'elles censurent tout ce qui ne les étaye pas.
S'il faut le répéter, je le fais bien volontiers : oui, les éditions Delga sont présentes dans les bibliothèques du réseau de Paris I. Oui, les éditions Delga publient des ouvrages tels celui de M. Roberts dont la validité scientifique est reconnue. Cela vous convient-il ?
Il me reste à évoquer quelques points :
1. Vous avez parfaitement raison quant aux enseignements d'histoire russe et soviétique à Paris I : il fallait lire "pas d'enseignement dispensé à PMF" et non "pas d'enseignement dispensé à Paris I".
J'effectue une partie de mes acquisitions sur la base des bibliographies mises en ligne par les enseignants sur les espaces pédagogiques interactifs (EPI) de l'Université et je ne crois pas y avoir vu d'EPI de licence consacré à l'histoire soviétique. Je présente ici toutes mes excuses à Mme Marie-Pierre Rey pour ce lapsus d'autant plus stupide que je connais bien l'existence de l'Institut Pierre Renouvin et de la bibliothèque d'histoire des slaves.
2. Ceci m'amène à penser que ladite bibliothèque d'histoire des slaves aurait bien plus vocation à accueillir cet ouvrage que la bibliothèque du centre Pierre Mendès France. Sur le plan de la stricte politique documentaire, je le répète, je pense qu'il n'y a aucune raison pour que la bibliothèque Pierre Mendès France achète cet ouvrage.
3. Je rappelle également qu'à ce jour, aucune bibliothèque universitaire française n'a acquis l'ouvrage de M. Roberts dans son édition française. Si vous avez vu juste et que censure il y a, alors l'ensemble des acquéreurs en sciences humaines de l'ensemble des bibliothèques universitaires françaises pratiquent la censure. Vous devriez faire quelque chose.
Pour finir, je vous informe que, le problème étant réglé en ce qui me concerne, je ne communiquerai plus directement avec vous mais uniquement par le biais de ma hiérarchie.
Bien cordialement,
Guillaume Molinier
______________________________
Les passages mis en exergue de ma réponse à M. Molinier l’ont été par moi et après coup.
L’information sur les toutes récentes acquisitions d’une bibliothèque pourtant sans doute remplie désormais à plus de 100% m’a été communiquée le 20 janvier 2015 par Godefroy Clair.
De Annie Lacroix-Riz à G. Molinier, copie à Mme Magnaudet, D. Keller
Monsieur,
Vous n’ignorez pas que mon « entregent » et mes « réseaux » sont infiniment plus faibles que ceux des auteurs qui emplissent vos « rayons » sur la sphère russe (cf. infra).
Votre veto écrit n’était pas seulement désinvolte pour son destinataire présumé, un(e) étudiant(e) d’ordinaire sans recours, il était d’une extrême violence, et vous vous trouvez simplement aujourd’hui confronté aux conséquences de veto systématiques tombant dans le silence.
Soyez assuré que, dans ma communication publique, sur ma liste de diffusion, de notre échange de ce jour, j’ai publié votre réponse in extenso, ce qui infirme vos arguments à ce sujet. Celle que j’ai fournie hier soir à Jérôme Skalski, était aussi honnête, puisque ce journaliste de L’Humanité a disposé de votre texte également in extenso. Je ne pense pas que vous puissiez le prendre en faute pour usage malhonnête de ce dernier, dont il a, c’est normal, mis en avant les éléments objectivement essentiels, ceux par lesquels vous avez justifié le veto du premier message :
http://www.humanite.fr/ceci-nest-pas-une-pomme-563216
Par ailleurs, je conviens volontiers avec vous que la censure actuelle, établie de longue date, et complétée par l’autocensure, est générale. Elle obère lourdement la science historique française, et votre bibliothèque pratique, comme ses pareilles, la censure sur la production scientifique existant hors de France, même quand elle est, ce qui est rare, traduite.
J’ai pour habitude de tenter de « faire quelque chose » contre ce fait, mais le petit ouvrage L’histoire contemporaine toujours sous influence paru en coédition Le Temps des cerises-Delga pèse moins que les énormes réseaux, notamment médiatiques, dont disposent les auteurs que vous accueillez systématiquement sur la sphère russe, tels, récemment, à nouveau, Hélène Carrère d'Encausse, avec Les Romanov, une dynastie sous le règne du sang ! (2013), et François Kersaudy, Staline (2012), deux auteurs, j’y reviens, cantonnés à la seconde main. La chronique du Point de M. Kersaudy confirme à la fois son entregent et, par son contenu, en particulier la dernière en date, http://www.lepoint.fr/invites-du-point/francois-kersaudy/kersaudy-angelisme-et-terrorisme-19-01-2015-1897621_1931.php, l’orientation idéologique à tendance exclusive, et en aucun cas « neutre », qui caractérise les choix « russes » ou « soviétiques » de la bibliothèque de Premier cycle d’une des plus importantes universités de France.
Je suis entièrement d’accord pour traiter de la question avec votre hiérarchie, c’est la raison pour laquelle je me suis adressée à M. Daniel Keller : c’est de celui-ci que je souhaitais et souhaite obtenir réponse.
Si cet épisode pouvait permettre de poser la question de la censure qui pèse en France sur les sciences sociales critiques, comme sur tant d’autres disciplines, et sur leur diffusion, il aura été particulièrement utile.
Bien cordialement,
Annie Lacroix-Riz
______________________________________
La hiérarchie à laquelle il me renvoie M. Molinier n’a jusqu’ici pas communiqué avec moi.
Ne manquez surtout pas d’ouvrir les liens :
http://www.humanite.fr/ceci-nest-pas-une-pomme-563216
http://www.lepoint.fr/invites-du-point/francois-kersaudy/kersaudy-angelisme-et-terrorisme-19-01-2015-1897621_1931.php, lien
Annie Lacroix-Riz
7 ----- Échanges Pierre Moret-Daniel Keller-Guillaume Molinier Annie Lacroix-Riz,
19-20 janvier 2015
Vous ne manquerez pas de noter ce que dit Pierre Moret à propos de la situation de l’information historique au château de Versailles et de l’arrogance du libraire interrogé sur le choix exclusif de Pierre Gaxotte pour traiter de la Révolution française.
Sur Pierre Gaxotte, vous trouverez des références archivistiques dans mes ouvrages Le choix de la défaite (p. 126) et L’histoire contemporaine toujours sous influence (p. 51).
Vous noterez la violence sarcastique qui se dégage de la réplique adressée à la protestation, courtoise, de Pierre Moret par Guillaume Molinier, par ailleurs déplore mes « violence, […] hostilité, […] brutalité » à son égard.
Merci aux lecteurs des présents échanges de communiquer la liste de « l'ensemble des bibliothèques françaises universitaires et de grands établissements » que Guillaume Molinier enjoint Pierre Moret de contacter pour « réparer un tort majeur […] fait à la liberté d'expression […] gros travail - il y en a quelques centaines - mais d'après vos dires, la défense de la pluralité d'opinions est à ce prix. »
Les passages surlignés des courriels de Pierre Moret et de Guillaume Molinier le sont par moi, Annie Lacroix-Riz.
De Pierre Moret à D. Keller
ASSURER UNE CULTURE OUVERTE... Date: Mon, 19 Jan 2015 18:47:09 +0100
Ancien étudiant en Histoire de Paris 1, je proteste contre la censure dont semble faire l'objet le livre de Geoffrey Roberts sur Staline, même si je ne partage pas son point de vue. La consultation des auteurs disponibles sur l'URSS montre d'ailleurs le parti pris idéologique de votre bibliothèque. Merci d'essayer d'agir en historien et non en apologiste du système qui détruit différentes cultures...
Respectueusement
Pierre Moret
Mail du 20/01/2015
De G. Molinier à Pierre Moret copie à D. Keller
Monsieur,
Mon collègue Daniel Keller m'a transmis votre message. Veuillez trouver ci-dessous copie du courriel que j'ai adressé à Mme Lacroix-Riz, vous y obtiendrez, je l'espère, les réponses que vous souhaitez. J'y ajoute quelques points pour votre information :
1. Les bibliothèques universitaires sont gérées par des personnels de bibliothèque et non par des historiens. Vous semblez confondre deux métiers fort différents.
2. Veuillez trouver ci-dessous un lien vers la notice de l'ouvrage en question dans le catalogue collectif national Sudoc, dans lequel sont versés les catalogues de toutes les bibliothèques universitaires et de grands établissements de l'enseignement supérieur :http://www.sudoc.fr/18095279X
Si vous cliquez sur le lien "où trouver ce document", vous obtiendrez la liste de tous les établissements français possédant l'ouvrage en question dans leurs rayons. Vous constaterez qu'elle est bien courte puisque seule la BDIC (Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine) possède cet ouvrage, qui a d'ailleurs très probablement été acquis au titre du dépôt légal et non par une procédure d'acquisition choisie.
3. Si aucune bibliothèque universitaire française n'a acquis cet ouvrage, il n'y a aucune raison pour que la bibliothèque Pierre Mendès France (bibliothèque dépendant d'une université ne dispensant pas - pour l'instant en tout cas - d'enseignement aux étudiants de niveau L sur l'histoire de l'Union Soviétique) le fasse, et ce d'autant plus qu'elle n'a aucun impératif d'exhaustivité ni aucun moyen d'y parvenir. Aussi, par souci d'équité, et puisque vous semblez déterminé à réparer un tort majeur qui est fait à la liberté d'expression, je vous prie de bien vouloir prendre contact avec l'ensemble des bibliothèques françaises universitaires et de grands établissements afin de leur adresser le même message. C'est un gros travail - il y en a quelques centaines - mais d'après vos dires, la défense de la pluralité d'opinions est à ce prix.
Bien cordialement,
Guillaume Molinier
Mail du 20/01/2015
De Pierre Moret à Annie Lacroix-Riz
Bonjour,
[…] Suite à votre information, j'ai envoyé un courriel à M. Daniel Keller et la réponse de M. Molinier est beaucoup moins "courtoise" que celle qu'il vous a adressée ... Le prétexte donné au refus d'achat est qu'aucune bibliothèque en France n'ayant acheté ce livre, il ne vaut probablement rien... Je vous transmets sa réponse...
Dans un autre domaine, je voudrais vous signaler une constatation qui m'a révolté: Ayant emmené des amis étrangers visiter le château de Versailles, j'ai constaté que la librairie du château n'a qu'un auteur à présenter au sujet de la Révolution Francaise de 1789: Pierre Gaxotte... Sur un millier ou plus de livres, il n'y a que cet historien pétainiste qui a le droit de cité au Château de Versailles. Le libraire n'a pas jugé utile d'argumenter face à mes remarques...
Respectueusement,
Pierre Moret
9 --- Échanges divers avec Marie-Pierre Rey
À cette date, je ne dispose pas des coordonnées de M. Soutou, dont l’adresse professionnelle à Paris 4 est obsolète.
De : Marie-Pierre Rey
À : 'Guillaume Molinier' ; 'Annie Lacroix-Riz'
Cc : G Clair 'Anne Magnaudet' ; 'Judith Ducourtieux' ; D. Keller, Aymeric Monville' ; 'Editions Delga' Editionsq Delga; G H Soutou;, Calvet
Envoyé le : Mardi 20 janvier 2015 17h11
Objet : RE: censure sur Les guerres de Staline / Geoffrey Roberts
Chers collègues,
N'ayant pas été bien au fait de ce qui semble avoir un malentendu (car non, chère Annie, G Roberts que je connais bien par ailleurs n'a pas été victime de censure) je vous réponds très rapidement pour vous dire que de fait, l'ouvrage aurait plus sa place à la bibliothèque du CRHS où nous avons un fonds de plusieurs milliers d'ouvrages sur la Russie et l'URSS qu'à PMF en L.
Nous serions donc ravis de disposer de l'ouvrage quand il sera arrivé à Paris I.
Bien cordialement à tous,
MP REY
Mail du 20/01/2015
De Annie Lacroix-Riz à M P Rey
Merci de ta réaction, chère Marie-Pierre,
Mais permets-moi, d’une part, d'être surprise que tu prétendes accaparer le malheureux exemplaire désormais promis aux étudiants de L et aux autres lecteurs (un tiers, tout de même) de la PMF, et, d’autre part, d'être extrêmement sceptique sur l'absence de censure à Paris 1 (comme ailleurs), vu la production présente sur les "rayons" de la PMF. Roberts, devenu universitaire prestigieux ces dernières années, n’est sans doute pas censuré hors de chez nous, mais il l'est de fait en France où aucun grand éditeur n'a eu le courage de traduire cet ouvrage, alors même que les âneries vouant l'URSS en général, Staline en particulier aux gémonies, traduites, et promptement, emplissent les fonds des grands éditeurs et les "rayons" de la PMF et des autres bibliothèques publiques.
Tu sais aussi bien que moi qu’il ne s’agit en aucune façon de malentendu. Il est impossible, et de longue date, de faire sérieusement en France l'histoire de l'URSS, qui est aujourd’hui le monopole des tenants du "totalitarisme" et sous la bonne garde de bergers-loups. J'observe d’ailleurs, sans mettre aucunement en cause ton droit à et ton envie de changer de secteur russe, que tu te tournes volontiers ces temps-ci vers le 19e siècle.
[…]
___________
Ma collègue, sans répondre ni sur la censure des bibliothèques ni sur celle qui verrouille en France la « soviétologie » depuis plus de trente ans, a récusé toute intention d’accaparer la traduction du Roberts, et donné son accord à l’achat d’un second exemplaire, ce dont je l’ai remerciée : il y en aurait donc un, dans l’avenir, pour la bibliothèque PMF et un autre pour « la bibliothèque du CRHS », le centre qu’elle dirige.
Lettre d’Aymeric Monville, directeur des éditions Delga à Marie-Pierre Rey, à cette date sans réponse
Chère Madame Rey,
Je n'ai pas l'honneur de vous connaître ni d'être votre collègue, mais étant l'éditeur du livre en question et donc, à ce titre, impliqué dans ce combat pour le libre débat scientifique qui vous tient à cœur, j'ose me permettre de ne pas partager votre optimisme.
En effet, j'ai du mal à croire à un malentendu quand c'est l'ensemble de notre catalogue qui était malheureusement concerné par ce refus écrit en lettres de marbre :
« L'ouvrage proposé, bien qu'écrit par un universitaire ne nous semble pas a priori présenter la neutralité historique et scientifique nécessaire à son éventuelle intégration dans nos rayons. Les autres titres publiés par l'éditeur non plus.»
Il est rare que la censure se fasse apparente, "la plus belle des ruses du diable" étant, comme le disait Baudelaire, "de vous persuader qu'il n'existe pas".
Je suis donc tout à fait prêt à renoncer à qualifier d'acte de censure une réponse qui, manifestement, diverge par son incongruité de l'usage quotidien d'une pratique dont nous souffrons et qu'il faut bien nommer par son nom. J'en veux pour preuve l'absence de nos ouvrages dans la bibliothèque en question, puisque cet état de fait a été évoqué (et donc reconnu) dans la polémique qui a suivi.
Que cette situation ait pu, selon nos contradicteurs, constituer une preuve à charge supplémentaire contre nos publications me paraît, là aussi, relever d'autre chose que d'un simple malentendu.
Je prends donc l'occasion d'examiner ici ce refus très heureusement motivé, car j'ose avouer que je ne me satisfais pas de la simple intégration d'un ouvrage comme pis-aller au refus de tout un catalogue.
J'attends, de plus, la démonstration de l'absence de sérieux scientifique et du manque de reconnaissance académique d'auteurs que nous avons eu l'honneur de publier, comme :
Georg Lukács, Tran Duc Thao, Lucien Goldmann, Jacques D'Hondt, Jean Salem, Annie Lacroix-Riz, Paul Boccara, Domenico Losurdo.
Par ailleurs, la présence à notre catalogue de héros de la libération de la France comme Georges Politzer ou d'un porte-parole admirable de la dignité humaine face à l'oppression comme Henri Alleg devrait inspirer plus de modération dans ce refus, que je veux bien renoncer à appeler "censure" mais qui, s'il était pris au sérieux, pourrait s'apparenter à ce qu'on appelait jadis en portugais un "acte de foi".
Je vous remercie, chère Madame, pour l'attention que vous m'avez accordée et vous suis très reconnaissant d'avoir pu, devant ma répugnance à m'adresser directement à mes éventuels censeurs, prendre à témoin votre bonne foi.
Aymeric Monville, directeur des Editions Delga
___________________________
Lettre d’Aymeric Monville Directeur des Éditions Delga à Mr D Keller, à cette date sans réponse
Lettre ouverte à M. Daniel Keller
Directeur de la bibliothèque PMF de Paris 1
Paris, le 22 janvier 2015,
Cher Monsieur Keller
L’histoire, disait Karl Marx, a plus d’imagination que nous. Aussi ne m’attendais-je pas à ce que l’an I de la République universelle de la liberté d’expression, qui déroule en ce moment ses premiers fastes, vît l’une des principales bibliothèques de la Sorbonne établir un refus écrit de l’ensemble du catalogue d’un éditeur.
Catalogue, modeste de par sa taille, mais qui compte, entre autres, pas moins que :
Georg Lukács, Tran Duc Thao, Lucien Goldmann, Jacques D'Hondt, Jean Salem, Annie Lacroix-Riz, Paul Boccara, Domenico Losurdo, Georges Politzer, Henri Alleg.
auteurs dont j’attends qu’on me démontre le caractère marginal, minoritaire, et non reconnu scientifiquement.
Il est vrai qu’en plus des surprises qu’elle nous réserve, l’histoire enseigne également la prudence. La comparaison avec l’ère Daladier – lequel, une fois la guerre déclarée, cajolait les fascistes français mais mettait un point d’honneur à persécuter les communistes – s’impose tant cette époque où l’islamisme, choyé par nos dirigeants en Syrie et en Libye, ne sert que de prétexte à l’écrasement des travailleurs de notre pays. Dans ce contexte, le musèlement d’une maison d’édition notoirement progressiste, au sens que le mouvement ouvrier donnait naguère à ce mot, ne serait hélas que trop congru.
Mme Lacroix-Riz, qui est, entre autres qualités, une spécialiste incontestée de la période susmentionnée, pourra vous fournir d’amples détails. J’attire également votre attention sur la correspondance qu’elle a bien voulu vous adresser, malgré son emploi du temps très chargé, à propos de cette plaisante affaire, dont je vous rappelle la formulation initiale :
« L'ouvrage proposé, bien qu'écrit par un universitaire ne nous semble pas a priori présenter la neutralité historique et scientifique nécessaire à son éventuelle intégration dans nos rayons. Les autres titres publiés par l'éditeur non plus.»
Ce refus par écrit contraste tant par sa cocasserie avec les habitudes de silence en la matière que j’ai pensé d'abord, malgré ce contexte très lourd, à une plaisanterie.
Mon sens de l’humour est inépuisable mais votre absence de réponse commence à me faire rire jaune.
N’ayant pu obtenir jusqu’à présent d’explications de votre part et sachant votre temps précieux, je vous propose en conséquence, si vous n’avez pas le temps de répondre à un modeste éditeur, de vous contenter de rayer les mentions inutiles afin de mieux nous expliquer de quoi il s’agit :
Boulette
Censure
Autodafé
Le retour à certaines méthodes de la Congrégation pour la doctrine de la foi aurait au moins, dans ce contexte de guerres de religion qu'on prétend nous imposer, le mérite de la clarté.
Je vous prie de croire, cher Monsieur, pour le moment, à l’expression de mon profond respect,
Aymeric Monville, directeur des Editions Delga
12 – Lettre de Mme A. Magnaudet à Aymeric Monville Directeur des Éditions Delga.
Monsieur,
Suite à votre courrier qui m'a été transmis par Monsieur Keller, responsable des services au public du Service commun de la documentation, je vous communique ci-joint un lien vers le catalogue collectif du réseau documentaire de l'université qui vous permettra de vérifier la présence des ouvrages que vous éditez dans nos bibliothèques:
http://sushi-new.univ-paris1.fr/F/YK8A5KPELBASF6TJAP8S8S4A3HQSXG2QAKIKKUJFXA7J2NT7A3-03257?RN=167007073&pds_handle=GUEST
Veuillez agréer, Monsieur, mes meilleures salutations
Le 23/0/2015
13 - Réponse de Aymeric Monville à G. Molinier (après lecture de la lettre précédente)
Lettre ouverte à M. Guillaume Molinier
(bibliothèque PMF de Paris 1)
Paris, le 23 janvier 2015,
Cher Monsieur Molinier,
Confronté à une mise à l'index en Sorbonne de l'ensemble de notre catalogue, formulée par écrit et confirmée par courriel, je n'ai pu avoir d'autre explication qu'une lettre envoyée par vos services mentionnant une liste de dix de nos titres que, malgré cette sanction brutale, vous détenez encore néanmoins.
Je constate donc que sept ouvrages de philosophie et trois d'histoire (un contre la résurgence du fascisme en Italie, un sur les féministes de la CGT, un autre sur l'historiographie) ont ainsi bénéficié par le passé d'un précieux "nihil obstat".
Dois-je comprendre que nous répondions alors aux critères académiques et scientifiques évoqués par ce récent refus, ce qui ne serait plus le cas depuis que nous publions également davantage de livres d'histoire portant plus particulièrement sur l'URSS?
En effet, dans la liste ci-dessous, aucun des titres concernant l'histoire de l'Union soviétique de sa naissance à son renversement ne figure dans vos rayons, à commencer par le premier qui avait fait initialement l'objet d'un refus spécifique de votre part :
- Geoffrey Roberts, Les Guerres de Staline. De la guerre mondiale à la guerre froide, 1939-1953.
- Roger Keeran et Thomas Kenny, Le Socialisme trahi. Les causes de la chute de l'Union soviétique
- Henri Alleg, Russie : Le grand bond en arrière.
- Grover Furr, Khrouchtchev a menti. (préface de Domenico Losurdo)
- Michael Parenti, Le Mythe des jumeaux totalitaires. Fascisme systématique et renversement du communisme.
- Ivan Maïski, Qui aidait Hitler? Souvenirs de l'ambassadeur soviétique en Grande-Bretagne.
Vous avez ensuite évoqué, dans votre correspondance avec Mme Lacroix-Riz, un problème de place.
Dois-je comprendre qu'il n'y a pas assez de livres sur ces sujets notoirement mineurs que sont l'URSS, la Seconde Guerre mondiale ou la Guerre froide?
Diriez-vous également qu'il s'agit de "détails" de l'histoire?
La mouvance politique qui emploie ce genre de qualificatifs nous avait habitués à dégarnir les rayons des bibliothèques, mais je suis surpris de voir qu'il pourrait exister désormais un tri à l'entrée.
Cet argument du manque de place me surprend d'autant plus que vous détenez visiblement sur les mêmes sujets les quasi-œuvres complètes d'Hélène Carrère d'Encausse (vingt-cinq ouvrages!), dix de Stéphane Courtois et sept ou huit de Jean-Jacques Marie.
Je me perds donc en conjectures pour comprendre les raisons d'un si peu raisonnable refus et avoue éprouver dans cette affaire la même perplexité que Joseph K. ouvrant subrepticement le livre des lois du juge d'instruction et n'y découvrant, faute de lois écrites, que des obscénités.
L'Autriche-Hongrie de Kafka est, hélas, une source d'inspiration inépuisable et cette "prison des peuples" est d'ailleurs souvent érigée en modèle par l'eurocratie si peu démocratique. J'avoue pour ma part préférer certaines valeurs républicaines propres à notre pays et souhaiterais les voir mieux respectées.
Cordialement,
Aymeric Monville, directeur des éditions Delga.
De la censure dans les bibliothèques universitaires, suite
14 - Réponse de Mme M P Rey à Aymeric Monville
mardi 27 janvier 2015
Cher Monsieur,
Je vous remercie de votre lettre mais encore une fois, au risque de me répéter, je ne suis pas à l’origine de quoi que ce soit dans cette affaire, je n’interviens pas dans la constitution du catalogue des ouvrages de la Bibliothèque PMF (qui ne représente pas « la Sorbonne » comme vous le dites mais la bibliothèque généraliste de Paris I) et je ne sais sur quelle base elle se fait. Donc je ne me sens pas autorisée à parler de censure.
En ce qui concerne mon centre, nous avons déjà l’original des mémoires de Maïski et je me suis proposée d’acquérir l’ouvrage de Geoffrey Roberts que je connais bien, que j’ai fait intervenir il y a deux ans ou trois dans une journée d’étude internationale que j’ai organisée à Paris. Nous sommes en contact régulier par mail (bien que je travaille en ce qui me concerne sur le XIXème siècle russe et non plus sur le XXème siècle soviétique ) et le hasard a voulu qu’il m’écrive, il y a une semaine à peine, à propos de la nouvelle recherche qu’il compte entreprendre à partir des archives soviétiques pour me demander un conseil. Je ne mentionne ce détail que pour lever toute ambiguïté.
Cordialement,
MP REY
15 - De Monville Aymeric à Mme Marie-Pierre Rey
mardi 27 janvier 2015 11:37
Lettre ouverte à une dame de qualité à propos de la criminalisation du communisme
(À savoir Marie-Pierre Rey, titulaire de la chaire d'histoire de la Russie et de l'Union soviétique à Paris 1 Sorbonne)
Chère Madame Rey,
Quelque imparfaite qu'ait pu être l'éducation qu'ont bien voulu me donner mes parents, je me suis efforcé de répondre poliment à ceux qui prétendaient nous faire taire.
Ces efforts n'ont pas été vains puisque j'ai pu démontrer, sans être contredit jusqu'à présent, que notre catalogue avait manifestement été mis à l'index. Et cela d'autant plus brutalement que nous étions auparavant respectables, selon vos normes, pourvu que nous n'abordions pas la question sensible de l'histoire de l'URSS. Car pour les six livres que nous avons publiés sur ce sujet, nous nous sommes visiblement heurtés à un refus, d'abord tacite, puis explicitement formulé la semaine dernière.
Ces six ouvrages sont pourtant écrits par des auteurs de renommée mondiale - Alleg, Furr, Keeran et Kenny, Maïski, Parenti et bien sûr Roberts -, et tous déjà traduits dans de nombreuses langues. Ce serait avoir une curieuse interprétation de l'"exception française" que de leur fermer l'entrée de la Sorbonne en décrétant soudain, pour paraphraser un penseur qui m'est cher : "Il y a eu de l'histoire, mais il n'y en a plus."
J'ai aussi la faiblesse de penser que ces rares ouvrages contrastent avec certains on-dit et racontars qui se succèdent comme L'Histoire Auguste succédait à la Vie des douze césars déjà si féconde en ragots, ragots dont les quelque trois cents (!) ouvrages que la bibliothèque détient déjà sur la période soviétique risquent - j'en ai bien peur - de n'être pas particulièrement exempts.
Aussi est-ce pour moi un motif d'étonnement de vous voir vous contenter de répondre en qualifiant les légitimes interrogations que suscite cette éradication d' "agressif" "harcèlement".
C'est là confondre à dessein la virulence de notre protestation avec la violence qui nous accable.
Violence, dont cette censure au grand jour ne donne qu'un aperçu et qui est orchestrée, comme tant de choses dans notre malheureux pays, au niveau européen. Rappelons le rapport Lindblad, de célèbre mémoire, soucieux de traquer ce fameux spectre qui continue de hanter les eurocrates.
Cette tentative de criminalisation, digne du procès du Reichstag, fut promue - je suis au regret de vous l'apprendre - par des auteurs qui peuplent votre rayons, à commencer par Stéphane Courtois, qui se félicite de détenir seul l'unique chaire d'histoire du communisme et dont votre bibliothèque possède plus d'ouvrages que tous ceux qu'elle a prétendu censurer.
Je suis tout à fait partisan d'une mise à disposition, aussi peu instructive qu'elle soit, des menées inquisitoriales dudit auteur mais le refus de livres autrement plus étayés fait l'effet, chez tous les progressistes, d'un sinistre étouffoir.
Car le "totalitarisme", ressort de toute cette fastidieuse littérature dont je ne vous ai cité qu'un seul représentant, n'est pas seulement une théorie bancale destinée à masquer la collusion entre le grand capital et les fascistes. C'est une propagande criminogène qui met dans le même sac les bourreaux et les victimes, ceux qui ont ordonné un génocide et ceux qui ont libéré le camp d'Auschwitz, ceux qui ont voulu réduire les Slaves à l'esclavage ou à l'extermination et ceux qui ont fait de la RDA, a contrario, le pays le plus prospère du Comecon. Elle fait partie de l'arsenal idéologique de l'extrême droite, basé systématiquement sur la calomnie, la mauvaise foi et l'injure, à commencer par l'injure à l'intelligence.
Faut-il donc que ce mépris du peuple ait pris une telle ampleur qu'il me faille déployer, pour revendiquer l'accès au livre et à la connaissance, autant d'efforts qu'il en fallait, après le congrès de Vienne, pour demander qu'on n'empêchât pas les paysans de danser?
"Toutes choses ont leur progrès. Du temps de Montaigne, un vilain, son seigneur le voulant tuer, s’avisa de se défendre… Ce manant devinait les droits de l'homme. Il fut pendu, cela devait être. Il ne faut pas devancer son siècle."
Aurais-je ainsi devancé ce présent siècle en voulant défendre mes auteurs, mes camarades, au point d'être traité par vous en manant, en rustre, en brutal?
Les Usages du monde de la baronne Staffe, dont je dispose sur ma table de chevet en plus du volume de Paul-Louis Courier d'où cette citation est extraite, ne donnent pas de réponse en pareil cas, mais sachez que je demeure, malgré que j'en ai, votre respectueux serviteur.
Aymeric Monville, directeur des Editions Delga Retour début du dossier
De : Annie Lacroix-Riz [mailto:annie.lacroix.riz@gmail.com]
Envoyé : jeudi 29 janvier 2015 10:32
À : 'Marie-Pierre Rey'
Objet : RE: De la criminalisation du communisme et de la censure à PMF-Paris 1
16 -De Annie Lacroix-Riz à Mme Marie Pierre Rey
Jeudi 29/01/2015
Annie LACROIX-RIZ
Professeur émérite d’histoire contemporaine
Université Paris 7-Denis Diderot
Copie également jointe par la voie électronique
Marie-Pierre REY
Professeur d’histoire contemporaine
Université Paris 1 Département d’Histoire,
1, rue Victor Cousin
75231 PARIS cedex 05
Chère Marie-Pierre,
Nous sommes confronté(e)s à trois problèmes.
I. Premier problème, qui te concerne directement, dans la mesure où tu assures des enseignements de premier cycle (L, licence).
Sont dispensés à Paris 1, comme dans vraisemblablement toutes les UFR d’histoire de France, en L1, L2 ou L3, des cours d’histoire contemporaine des 19e et 20e siècles, et parmi eux, des cours sur la Russie devenue Russie soviétique puis URSS. Tu me l’as confirmé. Quelle que soit la personne qui en est chargée, et tu assures toi-même au minimum les cours de L3, les étudiants se voient remettre une bibliographie. Du L1 au L3, cette bibliographie est disponible à la bibliothèque PMF de Paris 1 ou est supposée l’être. Or, un recensement des titres relatifs à la Russie montre, d’une part, la pauvreté des achats, d’autre part, l’incroyable carence d’ouvrages scientifiques, particulièrement depuis 1997-1998, à moins qu’on ne considère que les auteurs favoris de PMF, qui ont été mentionnés dans le cadre des échanges précédents (je ne les ai pas tous cités) représentent la totalité du corpus historique existant, en français d’origine ou traduit, par exemple depuis les années 2000 (pièce Excel jointe, constituée par un des lecteurs de PMF, Godefroy Clair).
Un certain nombre de titres ayant été déjà cités dans le cadre d’échanges antérieurs (courriels adressés aux responsables de PMF), je crois inutile de les répéter. Je relève cependant que parmi les (rares) récents travaux traduits acquis figurent : 1° La guerre civile européenne : national-socialisme et bolchevisme, 1917-1945, 2011, énième réédition de l’ouvrage de 1987, traduit en 2000 (pure « bombe idéologique » selon son éditeur, Syrtes : http://www.editions-syrtes.fr/fr/02-Catalogue/titres/55-La-Guerre-civile-europeenne-1917-1945-Bolchevisme-et-national-socialisme/), d’Ernst Nolte postulant, sans recours à des sources originales, que le Reich hitlérien a déclenché une guerre purement défensive pour parer à une attaque soviétique certaine. Ce chef de file de l’extrême droite intellectuelle a été radicalement rejeté par la communauté académique allemande depuis la « querelle des historiens » de 1986, et la scientificité de ses ouvrages est similaire à celle de la production de Stéphane Courtois, son préfacier d’ailleurs; 2° Terres de sang : l’Europe entre Hitler et Staline, de Timothy Snyder, immédiatement traduit en français (2012) et assuré d’un tapage médiatique aussi intense que le précédent. Deux exemples, donc, de la thèse unique régnant actuellement à PMF : nazisme = communisme, en moins pire.
Par contre, on ne découvre pas trace à PMF d’ouvrages scientifiques, pourtant également traduits, tels que ceux d’Arno Mayer, Les Furies, terreur, vengeance et violence, 1789, 1917, Paris, Fayard, 2002, et de Michael Carley, L’alliance de la dernière chance. Une réinterprétation des origines de la Seconde Guerre mondiale, Les presses de l’université de Montréal, 2001; n’a même pas été acheté celui, écrit en français, de feu Moshe Lewin, Le siècle soviétique, Paris, Fayard/Le Monde diplomatique, 2003. Outre que ces trois auteurs sont des historiens reconnus, aucun ne peut, à ma connaissance, être qualifié de « stalinien ».
On ne va pas lancer un concours de ridicule mais assurément PMF offre sur l’URSS l’exemple d’une bibliothèque maccarthyste, dont je ne crois pas que les universités américaines, en tout cas pas les grandes, et Paris 1 compte parmi les grandes universités françaises, aient eu l’équivalent, ni à l’époque pré-maccarthyste d’avant Deuxième Guerre mondiale (août 1939-juin 1941), ni à l’ère maccarthyste stricto sensu (voir notamment Ellen Schrecker, No ivory tower. McCarthysm and the universities, Oxford, Oxford University Press, 1986; Many are the crimes. McCarthyism in America, Princeton, Princeton University Press, 1998, et Simpson Christopher ed., Universities and Empire : money and politics in the social sciences during the Cold War, New York, New Press, 1998) ni à l’ère du remplissage, contemporain du « Patriot Act », de la prison américaine de Guantanamo.
Si la bibliothèque PMF ne contient que ce type d’ouvrages, il faut en déduire que c’est toi-même qui refuses le principe d’un minimum de pluralisme concernant l’URSS; ou bien que tu ne peux rien recommander aux responsables de ladite bibliothèque; ou bien que ces derniers font peu de cas de ton légitime avis. Ce qui signifie, en tout état de cause, que tes étudiants sont mis dans l’impossibilité de consulter dans leur propre université, une des plus importantes de France, le moindre ouvrage cité par les bibliographies que tu leur conseilles, car j’ai peine à imaginer que tu pratiques toi-même le maccarthysme qui caractérise cette institution.
Je n’ai jamais eu vent qu’un professeur des universités se voie refuser tout droit d’intervention « dans la constitution du catalogue des ouvrages de la Bibliothèque » générale de son université. Si c’est le cas, cela veut dire que la titulaire de la chaire Russie d’une des deux universités de la Sorbonne remet ses étudiants de 1er cycle aux seuls bons soins des responsables de la bibliothèque correspondante, privés de tout contact avec elle en particulier et avec les autres enseignants-chercheurs de la composante en général. Paris 1 constituerait donc un cas d’école.
II. Le second problème posé est celui de la désinvolture, ou plutôt de l’absence totale de courtoisie des responsables de la bibliothèque PMF : notamment de son directeur en titre, M. Daniel Keller, qui ne juge pas nécessaire de répondre à des courriers courtois, ou des subordonnés de ce dernier, qui assument pleinement la censure qu’ils mettent en œuvre, avec une arrogance dont l’intensité varie en fonction de leurs interlocuteurs, ou opposent à une demande précise portant sur des achats récents d’ouvrages Delga par ladite bibliothèque une liste, sans rapport avec la question soulevée, d’ouvrages anciennement acquis.
Enseignante-chercheuse, j’ai toujours répondu, ce qui constitue une obligation déontologique, aux questions de mes étudiants ou de mes collègues. Chercheuse exclusivement depuis ma retraite de l’enseignement, j’estime avoir droit, comme tous les interlocuteurs de PMF, à une réponse directe quand je pose une question, même si le supérieur hiérarchique que j’ai sollicité peut éventuellement, après m’avoir répondu directement, me renvoyer à un adjoint compétent. Les responsables de la bibliothèque PMF sont-ils statutairement dispensés de tout contact avec le public et des obligations qui incombent à cet égard, je puis l’attester formellement, au personnel dirigeant des Archives nationales, directeur ou directrice inclus(e)? Voici, me semble-t-il, encore un cas d’école Paris 1.
III. Passons au troisième problème. Pour des raisons dont je ne parviens pas à identifier les responsables hiérarchiques, la bibliothèque PMF ne propose au premier cycle d’histoire de Paris 1 qu’une palette documentaire monocolore violemment antisoviétique et, très souvent ‑ presque systématiquement depuis le 21e siècle ‑ , non scientifique. Elle s’oppose au surplus avec insolence ou via le mutisme à toute proposition d’élargissement (le double achat récemment décidé de la traduction de Roberts constituant un cas particulier, cf. infra).
Elle a établi « a priori » un strict veto contre l’éditeur Delga, modeste maison d’édition qui s’efforce d’allier pensée issue des Lumières (courant philosophique dans lequel s’inscrit le marxisme depuis Karl Marx) et qualité scientifique. Elle justifie ce veto en fournissant à ses divers interlocuteurs des arguments antagoniques, à l’évidence perçus comme tels, ce qui constitue la preuve d’un mépris assumé.
Le « responsable du département des collections et de la politique documentaire du Service Commun de documentation de l’Université » a écrit, d’une part, « qu’il n’y a[vait] aucune raison pour que la bibliothèque Pierre Mendès France ach[etât] » l’ouvrage de Roberts et, d’autre part, qu’aucun des « titres » des éditions Delga n’avait « a priori » vocation à rejoindre les « rayons » de la bibliothèque PMF. C’est ton intervention qui a abouti à la décision immédiate d’achat d’un ouvrage que le « responsable du département des collections » estimait, « a priori », dépourvu de tout intérêt documentaire. Si, comme celui-ci l’affirme, « les universités peuvent encore définir leur politique d’acquisition en toute indépendance et sans subir de pression extérieure », je demande à savoir sur quelle base d’« indépendance » et d’absence « de pression extérieure » un éditeur indépendant est placé sur « liste noire », car c’est de cela qu’il s’agit, pour toutes ses productions récentes. Je souhaite obtenir également communication des listes respectives des éditeurs agréés et des éditeurs rejetés « a priori ».
J’aimerais pouvoir poser la question aux dirigeants de la bibliothèque PMF, mais la chose s’avère impossible : le « responsable du département des collections et de la politique documentaire […] » m’a renvoyée à sa hiérarchie, laquelle se mure dans le mutisme depuis plus d’une semaine. Tu dis ne détenir, à titre pédagogique et scientifique, ni autorité ni droit de regard sur la bibliothèque PMF, affirmation que contredit l’annonce, juste après ton intervention, de l’accueil imminent de la traduction des Guerres de Staline. Quoi qu’il en soit, je te remercie, chère Marie-Pierre, de me préciser à qui je dois m’adresser. Ni l’éditeur Delga ni moi-même n’avons l’intention de « harceler » quiconque mais nous souhaitons obtenir réponse à des questions légitimes. L’aveu écrit, relatif au rejet « a priori » d’ouvrages et d’éditeur(s), d’un responsable d’une des principales bibliothèques universitaires françaises de premier cycle a révélé une vieille et tenace censure sur laquelle il convient de revenir et d’obtenir explication.
Et nous y reviendrons. Cette démarche est en effet scientifiquement et déontologiquement fondée, concernant Paris 1, comme, semble-t-il, « quelques centaines » de bibliothèques universitaires que le « responsable du département des collections » de la bibliothèque PMF a ironiquement enjoint un ancien étudiant de Paris 1, Pierre Moret (qui s’était adressé au directeur de l’établissement), de contacter pour leur demander des comptes sur leur censure. À Paris 1 en tout cas, la censure, d’une part, l’arrogance, d’autre part, portent gravement atteinte à la déontologie des deux professions impliquées, enseignement-recherche et documentation.
Je ne doute ni de l’excellence de tes relations personnelles avec Geoffrey Roberts ni de son recours à toi en vue de précieux conseils en matière de recherche. Tu l’observeras, je n’ai d’ailleurs pas cité, dans ma courte liste d’absences académiques sidérantes à PMF, « les titres » de cet historien antérieurs à Stalin’s wars, aucun n’ayant bénéficié de traduction française. Mais c’est seulement de tes étudiants de premier cycle, ainsi que du public plus large (un tiers des inscrits) de cette « bibliothèque généraliste de Paris 1 », qu’il s’agit en l’espèce. Ce que tu t’es proposé de faire pour ton centre de deuxième et troisième cycles, dont je ne doute pas du pluralisme et de l’ambition d’exhaustivité, ne répond pas à la question posée par la censure effarante et le mépris universel du public régnant à la bibliothèque PMF. Je te remercie d’y répondre ou de prier les autorités compétentes d’y répondre.
Amitiés,
Annie (LACROIX-RIZ)
En copie, même courrier avec liste Excel du catalogue URSS. Retour début du dossier
17 - De : Anne Magnaudet à Annie Lacroix-Riz
jeudi 29 janvier 2015 20:21
Madame la Professeure émérite,
Au vu des échanges de courriels entre vous-même, les éditions Delga, Madame Marie-Pierre Rey et les conservateurs chargés d'une part de la politique documentaire, d'autre part des services publics je tiens à porter à votre connaissance les éléments suivants :
- Le Service commun de la documentation de l'université Paris 1 encadre un réseau d'une trentaine de bibliothèques spécialisées soit par domaine disciplinaire, soit en fonction du public qu'elles accueillent. Ces bibliothèques ont une politique d'acquisition concertée et le catalogue permet à nos lecteurs de localiser les ouvrages dont ils ont besoin sur tous les sites de l'université. Ce travail commun s'accompagne d'un effort important de mise à disposition de ressources électroniques que vous trouverez sur le portail Domino.
- Je vous ai fait parvenir un lien vers ce catalogue collectif ainsi qu'à Monsieur Monville afin que vous puissiez constater qu'en aucun cas les éditions Delga ne sont censurées ni négligées par nos acquéreurs.
Puis-je vous demander par ailleurs de bien vouloir noter que je ne suis ni l'assistante, ni la secrétaire de Monsieur Daniel Keller qui n'a aucun lien hiérarchique avec le département de la politique documentaire, mais directrice du Service commun de la documentation ? A ce titre je vous remercie bien vivement de vos remarques sur le vieillissement de notre fonds et pour vos suggestions d'achats dont je ne manquerai pas de soumettre la liste aux enseignants de l'université pour validation.
Je vous prie de bien vouloir agréer, Madame la Professeure émérite, mes salutations dévouées.
Anne Magnaudet-Barthe
Directrice du Service commun de la documentation
Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
90, rue de Tolbiac
75013 Paris
De : Annie Lacroix-Riz à Mme Anne Magnaudet
Samedi 31 janvier 2015 10:47
Madame,
Je vous sais gré :
‑‑ de m’exposer que Service commun de la documentation de l’université Paris 1 que vous dirigez assure des missions multiples;
‑‑ de me notifier que vous n’êtes « ni l'assistante, ni la secrétaire de Monsieur Daniel Keller qui n'a aucun lien hiérarchique avec le département de la politique documentaire »;
‑‑ de me « remercie[r] bien vivement de [mes] remarques sur le vieillissement de [v]otre fonds »;
‑‑ de m’annoncer que vous « ne manquer[ez] pas de soumettre […] la liste » de mes éventuelles « suggestions d'achats […] aux enseignants de l'université pour validation.
Je dois constater cependant que cette réponse, rapide (je vous en remercie), à mon dernier courrier adressé à Mme Rey, ne répond pas aux questions posées depuis la réponse, adressée il y a peu par un des responsables de votre service à M. Godefroy Clair, un des usagers de la bibliothèque PMF ayant présenté une « suggestion d'achat » : comment et pourquoi peut-on ici refuser « a priori » l’achat d’un ouvrage relatif à Staline et à l’URSS pour absence présumée de « neutralité »? Comment et pourquoi peut-on simultanément étendre un tel veto, toujours « a priori », à l’éditeur qui avait en septembre 2014 publié l’ouvrage demandé?
Ce comportement stupéfiant a incité le lecteur de la bibliothèque PMF à s’informer plus avant sur les « ressources » des « rayons ». Ainsi a-t-il découvert qu’on ne pouvait pas seulement reprocher à cette bibliothèque « le vieillissement de [son] fonds », constat irréfutable au vu de sa pauvreté documentaire sur l’histoire de l’URSS; mais que ce maigre renouvellement avait été limité, depuis une quinzaine d’années, à des ouvrages violant, parfois de l’avis même de leurs éditeurs, les critères prétendument fixés de « neutralité » et de « scientificité ». À moins qu’on ne considère qu’un ouvrage d’histoire se définit d’abord par sa qualité de « bombe idéologique » quand on le traduit en français, treize ans après sa sortie en Allemagne. Toute personne de bonne foi relèvera que la bombe « à retardement » de Nolte est sans rapport avec la science historique, mais qu’elle est directement liée à l’atmosphère intellectuelle créée en France depuis la sortie du Livre noir du communisme.
Que des ouvrages non historiques s’accumulent dans les « rayons » de PMF n’a guère d’importance : je ne me pose pas, à la différence de responsables documentaires de ladite bibliothèque, en censeur. Que les ouvrages scientifiques d’histoire, à défaut d’être « neutres » (qui est neutre en histoire?), soient bannis pose d’autres questions. Et c’est de cela seul qu’il s’agit.
Ce n’est pas à moi, ancienne étudiante et docteur ès Lettres de Paris 1, de « suggérer » ses achats à cette université où je n’ai pas enseigné en tant que titulaire et aux bibliothèques de laquelle je n’ai pas été inscrite depuis l’époque de ma thèse d’État : je ne saurais donc y prétendre à la fonction de conseillère ou de tutrice.
En revanche, et indépendamment de mon avis, il incombe au Service commun de la documentation et aux enseignants-chercheurs de Paris 1 :
‑‑ d’une part, de fournir aux usagers concernés une documentation digne de « la neutralité scientifique et historique » invoquée par un des tenants et exécutants enthousiastes du veto « a priori » ;
‑‑ d’autre part, de ne pas opposer un veto « a priori » à des demandes de consultation, donc d’achat, présentées par les lecteurs. La liste Excel constituée par M. Clair, que je vous ai adressée, fournit la preuve de la violation de ces deux principes élémentaires (du moins pouvait-on le croire jusqu’à révélation des faits) de fonctionnement d’une institution universitaire.
Je répète que, si l’on se fie à la liste des ressources de vos « rayons », la bibliothèque PMF s’est, depuis une quinzaine d’années, à la fois considérablement enrichie en « bombes idéologiques » et appauvrie, de plus en plus au fil des ans, en ouvrages fondés sur des recherches historiques stricto sensu, lesquelles, non seulement ne se sont pas taries mais se développent au contraire (cf. infra l’avis de M. Soutou).
Cette situation ne peut avoir qu’une ou deux causes, ou les deux jointes :
1° Les responsables de la bibliothèque PMF de Paris 1 chargés des achats partagent les veto idéologiques que l’un d’entre eux a opposés (concernant un livre précis et un éditeur) à un lecteur courtois, interdits régnant de longue date vu le contenu des « rayons ». Je note une fois de plus que ni les responsables du Service commun de la documentation de l’université Paris 1, ni le directeur de PMF, M. Daniel Keller, ne jugent nécessaire de s’expliquer sur ce point décisif.
2° Les enseignants chargés de l’histoire du 20e siècle, à laquelle est intégrée l’histoire de l’espace russe, forcément enseignée à Paris 1 en L1 et L2 (PMF) partagent les préjugés des responsables des achats documentaires. Il s’agit ici exclusivement de maîtres de conférences : dans nombre d’universités, ces enseignements sont, pour les cours magistraux, assurés au moins en partie par les professeurs des universités mais, comme le montre le cas de Mme Rey, pas à Paris 1. Les maîtres de conférences considèrent donc ici que les « bombes idéologiques » suffisent, d’une part, à la formation universitaire des futurs professeurs d’histoire des cycles secondaire et supérieur, des futurs maîtres des écoles et de diverses catégories de futur personnel qualifié, et, d’autre part, sont adaptés aux besoins culturels des publics non étudiants qui continuent à s’intéresser à l’histoire (un tiers des effectifs à la bibliothèque PMF). Et qu’il n’y a pas lieu de de continuer à procéder à des achats d’ouvrages scientifiques fondés sur les dépouillements de sources originales, ouvrages qui, précisément, concernant l’URSS, se renouvellent régulièrement, hors de France, depuis quinze ans, comme l’a constaté M. le professeur Georges-Henri Soutou dans la conclusion de sa recension des Guerres de Staline (http://www.leofigueres.fr/wp-content/uploads/2013/07/Livre-Stalins-war-de-Geoffrey-Roberts.pdf).
À l’heure où l’intoxication belliciste contre la Russie, similaire à celle qui a précédé le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale, conduit des chefs de gouvernement « européens » à prétendre que l’URSS a attaqué l’Allemagne en juin 1941 et que « les Ukrainiens » ont libéré le camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, et ce, sans provoquer de forte réaction en France, la bibliothèque PMF, comme toutes celles qui ont agi et agissent pareillement, porte une grave responsabilité académique et civique. Je rappelle que l’instruction civique est confiée, dans le système scolaire français, à la discipline historique. On ne peut que le souligner à l’heure où milieux politiques et journalistiques nous exposent sans répit que « l’École » porte une grande part de responsabilités dans des errements qui ont débouché sur des attentats meurtriers.
Jusqu’ici, de votre réponse et de celles de ma collègue Marie-Pierre Rey, je dois déduire que seuls les maîtres de conférences d’histoire chargés des enseignements de L1 et L2 sont responsables de la situation scientifique calamiteuse constatée à la bibliothèque PMF de Paris 1. S’il en est ainsi, l’université Paris 1 constitue, par le pouvoir pédagogique et scientifique exclusif qu’y exerce cette catégorie d’enseignants-chercheurs, une exception.
Plus sérieusement, je constate qu’il a été impossible, malgré de multiples tentatives, d’obtenir réponse crédible à des questions simples : pourquoi et comment la bibliothèque PMF de Paris 1 a-t-elle délibérément porté atteinte, des années 1990 à janvier 2015, aux principes fondateurs de l’enseignement et la diffusion des Humanités?
Je vous prie d’agréer, Madame, l’expression de mes pensées les meilleures.
Annie Lacroix-Riz, professeur émérite d’histoire contemporaine, université Paris 7
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De Mme Marie-Pierre Rey à Annie Lacroix-Riz (et autres destinataires)
jeudi 29 janvier 2015 23:36
Chère Annie,
Chers collègues et destinataires de cette liste que je n’ai pas l’honneur de connaître,
Puisque par cette lettre largement diffusée, chère Annie, tu sollicites des éclaircissements, je te les apporte ici bien volontiers ainsi qu’à tous ceux qui se trouvent ici en copie:
La bibliothèque PMF s’adresse aux étudiants de L1 et de L2 (site de Tolbiac) et l’histoire du monde russo-soviétique que j’assure, n’est enseignée à Paris I qu’à partir du L3. Le L3 se fait en Sorbonne, au Centre de Recherches en Histoire des Slaves qui fait partie de l’Institut Pierre Renouvin et que je dirige. Je n’interviens donc pas dans la politique des achats de la bibliothèque PMF puisque je n’ai aucun lien pédagogique avec le L1 et le L2.
Pour ce qui est de la bibliothèque du Centre de Recherches en Histoire des Slaves, destinée prioritairement aux étudiants de L3, M1 et M2, elle fonctionne en partenariat avec les autres bibliothèques de l’Institut Pierre Renouvin. Nous avons des budgets très réduits et nous nous répartissons les achats et hélas nous ne pouvons acheter tous les ouvrages qui nous semblent présenter de l’intérêt. Mais je tiens à souligner que l’ouvrage de Geoffrey Roberts dont il est tant question depuis quelques jours (je vois d’ailleurs que Geoff est dans cette liste de diffusion et je le salue au passage), nous l’avons acheté dès sa sortie en anglais, contrairement d’ailleurs à d’autres universités parisiennes, et qu’il figure au catalogue de la bibliothèque de l’Institut Pierre Renouvin (plus spécialisée en histoire des relations internationales) et qu’une porte sépare de la bibliothèque du CRHS. Quant à l’ouvrage d’I Maisky, (mémoires d’un ambassadeur soviétique) nous (c’est-à-dire le CRHS) l’avons acheté également dès sa parution en version originale, car de fait dans la mesure où nos bibliothèques sont des bibliothèques de recherche, nous préférons acheter les ouvrages dans leur langue originale plutôt qu’en traduction, nos étudiants lisant facilement l’anglais et le russe. Mais bien évidemment, tout étudiant inscrit à Paris I en L1 ou L2 peut venir consulter dans les différentes bibliothèques de l’Institut Pierre Renouvin les ouvrages qui l’intéressent puisque ces bibliothèques sont ouvertes à tous nos étudiants.
J’espère que ces quelques lignes permettront de t’éclairer ainsi que tous ceux qui ont été destinataires de ta lettre ouverte.
Amicalement à toi et cordialement à tous,
Marie-Pierre REY,
Professeur d’histoire russe et soviétique.
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De : Annie Lacroix-Riz à Mmes Marie Pierre Rey et Anne Magnaudet
Samedi 31 janvier 2015
Chère Marie-Pierre,
Je ne prendrai pas davantage de ton temps, ayant répondu à Mme Magnaudet. Il ressort de vos réponses que la question sur les causes et modalités de la situation scientifique catastrophique de la bibliothèque PMF, depuis une quinzaine d’années, n’appelle pas de réponse; et que, du point de vue pédagogique, la responsabilité en incombe exclusivement aux maîtres de conférences, privés de rapports, à l’université Paris 1, avec les titulaires des chaires du 20e siècle.
La protestation contre une pareille situation risque de demeurer sans grand écho, compte tenu de la conjoncture et du consensus établi entre grands médias et monde académique sur la question soulevée. Mais notre métier nous a donné la conviction que « les écrits restent » : la génération future des historiens pourra donc pratiquer la repentance sur la responsabilité scientifique et civique du monde universitaire dans les fracas présents et à venir du 21e siècle, comme nos générations ont glosé sur les « silences » universitaires ‑‑ ou pire ‑‑ entre 1940 et 1944.
Amitiés,
Annie
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CENSURE
A LA
BIBLIOTHÈQUE NATIONALE
DE FRANCE.